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June 14, 2022

En quoi les biais cognitifs servent l'UX Research

Si vous cherchez une définition des biais cognitifs, vous rencontrerez toutes sortes de ressources écrites, graphiques, vidéo ou audio qui tendent à faire peur. Distorsion de la réalité, erreur de jugement, prise de décision irrationnelle sont autant d’expressions que l’on trouve à foison pour qualifier comme hors de contrôle un phénomène au cœur des questions d’influence. On nous explique donc, de façon fort alarmante, que notre raisonnement d’être humain ne serait tout simplement pas fiable. Pire : on suggère que ces biais de pensée seraient utilisés à notre insu, notamment par le marketing, à des fins manipulatoires. Qu’en est-il vraiment ? Faut-il se méfier des biais cognitifs et chercher à les contrer ? En quoi les mécanismes de pensée biaisés intéressent-ils l’UX research ? Il est temps de dédiaboliser le concept.

Principes de base des biais de la cognition

La cognition désigne les processus mentaux mis en œuvre dans tout ce qui a trait à la connaissance d’un individu. L’intelligence, le raisonnement, la mémoire, la perception, l’attention, mais aussi l’apprentissage, la résolution de problèmes et la prise de décision sont autant de champs qui la concernent. On taxe de “biais” toutes les déviations du schéma logique (conforme à la norme) de traitement de l’information.

Les différents types de biais de pensée

Depuis la mise en lumière du concept dans les années 1970 par les psychologues cognitivistes Daniel Kahneman et Amos Tversky, la liste des biais cognitifs recensés (actuellement autour de 200) ne cesse de s’allonger. Ils sont regroupés sous différentes catégories qui démontrent surtout que tous les niveaux de processus de la cognition sont concernés. On trouve ainsi :

  • des biais de jugement, qui attribuent une valeur aux éléments de façon subjective ;
  • des biais de raisonnement, qui trient les facteurs selon qu’ils sont renforçateurs ou non d’un choix ;
  • des biais attentionnels, comme lorsque nous éludons ou nous focalisons sur une donnée selon des critères arbitraires ;
  • des biais mnésiques, qui hiérarchisent les informations en mémoire d’une manière propre à chacun ;
  • des biais liés à la personnalité, comme lorsque l’on s’attribue certains traits spécifiques ;
  • des biais sensori-moteurs, relevant de l’illusion d’une perception.

Ce qui est présenté comme une sorte de dysfonctionnement inconscient de notre cerveau nous éloignant de la réalité a pourtant son utilité.

Amis ou ennemis ? La raison d’être des biais cognitifs

Le cerveau, pour garantir notre survie, effectue un calcul bénéfice-risque permanent pour nous maintenir à un niveau acceptable de sécurité. À cette fin, il évalue sans cesse deux types de facteurs :

  • externes, c’est-à-dire l’environnement ;
  • internes, soit nos émotions et sensations.

En fonction de son analyse, il y apporte la réponse qui lui semble la plus adéquate. Pour faciliter son travail et économiser ainsi ses ressources en temps et en énergie, il trouve des astuces telles que le classement, la comparaison ou la sélection. Ce que nous appelons les biais cognitifs sont en réalité des raccourcis de la pensée visant à alléger les processus mentaux. Le but final est de nous offrir une protection optimale contre les situations de stress.

Maintenant que ce fonctionnement rapide, automatique et inconscient de la pensée humaine est bien connu, il faut admettre qu’il peut être détourné de son rôle de sauvegarde. C’est sans doute pour cela que les biais cognitifs sont presque immanquablement présentés sous un jour négatif, en général accompagnés de conseils sur le débiaisement ou l’atténuation de ce qui est considéré comme une “tare”. La publicité en joue effectivement beaucoup avec des procédés vus et revus tels que :

  • le biais d’ancrage qui expose par exemple le prix hors promotion avant d’annoncer le tarif soldé afin de renforcer l’effet “bonne affaire” ;
  • la peur de perdre ou de manquer, appelée aussi FOMO (Fear Of Missing Out) qui peut être renforcée par l’affichage d’un décompte avant la fin de la promotion, comme on le voit très souvent sur Internet ;
  • le biais d’autorité qui donne davantage de poids à ce que dit une figure identifiée comme légitime (même si elle se contente de porter une blouse blanche) ;
  • etc.

Mais c’est là qu’intervient la question de l’éthique. Ne dit-on pas du marketing que c’est l’adéquation entre le bon produit, au bon prix, à la bonne personne, au bon moment ? Quid de la satisfaction client et de l’image de marque si l’on a abusé de certains leviers psychologiques pour pousser à l’achat ? C’est en cela que la recherche axée sur l’expérience utilisateur telle que l’envisage Ferpection prend en compte les biais cognitifs. Ils ne sont plus vus comme une faille à exploiter, mais plutôt comme un processus incontournable qui a sa raison d’être.

Les principaux biais de pensée auxquels se confronte la recherche UX

Plutôt que de s’échiner à combattre une soi-disant anomalie dans notre capacité à raisonner, il vaut mieux composer avec les biais de pensée en tant que données factuelles. Cela est particulièrement utile lorsque l’on cherche à anticiper les comportements humains, comme c’est le cas des UX researchers.

Quelques schémas de pensée fallacieux des utilisateurs

Il faut garder à l’esprit qu’une optimisation UX doit simplement faciliter le parcours d’un utilisateur dans la démarche qu’il aura identifié comme bénéfique pour lui. La charge cognitive inhérente à son engagement doit donc être réduite à son niveau le plus confortable. On voit bien que cette finalité définit aussi bien le biais cognitif que la recherche en expérience utilisateur.

Par exemple, nous savons grâce à la psychologie sociale que le biais d’effet de groupe pèse sur nous, tout animaux sociaux que nous sommes. “Si mes pairs le font, c’est que ça doit être bien pour moi aussi” est un type de réflexion qui, bien que faillible, nous économise des tergiversations pénibles. C’est pourquoi tout élément de preuve sociale (comme les avis clients et autres témoignages) attestant de l’adhésion en masse au service présenté éveille chez le prospect un sentiment de confiance susceptible d’influencer ses décisions.

Il est également bien connu que le biais de disponibilité amène le client potentiel à accorder sa confiance aux informations immédiatement accessibles, lui évitant des investigations plus poussées et potentiellement contradictoires. Il fonctionne d’ailleurs de pair avec le biais d'information qui, lui, surévalue l’abondance d’informations, pensant que cela valide son choix. De la prise de décision à l’action, tout est question de cohérence. Et une fois qu’une forme d’engagement dans une démarche est enclenché, le biais d’unité conduit l’individu à finir ce qu’il a entamé.

Toutefois, en amont de la décision et de l’action, les biais cognitifs sont tout autant activés dans la captation d’attention. L’effet d’isolation (appelé aussi effet Von Restorff) donne ainsi plus d’impact à un élément qui se démarque du groupe auquel il appartient. Il est d’autant plus efficace s’il est couplé d’un effet de bizarrerie (détonant étrangement avec le contexte dans lequel il se situe) ou même d’un effet d’humour, ou encore d’un effet de supériorité de l’image, figurant eux aussi dans la liste des biais cognitifs.

Puisque tout être humain est concerné par ces mécanismes erronés de pensée, autant ne pas céder au biais de l'angle mort pour le chercheur UX : il doit veiller à ne pas croire que son jugement est moins biaisé que celui des autres.


biais de cognitions exemples

Exemples de biais de cognition susceptibles d’influer sur les professionnels de l‘UX research

Dans le cadre de l’UX research, les investigateurs se trouvent confrontés à plusieurs types de biais qui peuvent fausser les résultats. Certains viennent encore du sujet observé ou interrogé. Par exemple, il faut tenir compte de la désirabilité sociale qui amène tout individu à se présenter sous son meilleur jour. Ainsi, son comportement s’ajusterait en fonction des attentes qu’il aurait identifiées chez son observateur. Il appartient donc aux chercheurs de diversifier leurs approches théoriques, afin de s’orienter vers une version plus naturelle des agissements qu’ils cherchent à analyser.

Côté professionnel (en général le mandataire de la recherche UX), la malédiction de la connaissance ne permet pas une prise de recul nécessaire à l’évaluation d’une situation. En effet, un expert en son domaine est voué à perdre de sa capacité à se mettre à la place du novice. C’est l’une des raisons principales pour lesquelles les entreprises choisissent d’externaliser leurs opérations d’UX research en les confiant à Ferpection.

Enfin, nos équipes aussi sont confrontées à des biais cognitifs spécifiques aux chercheurs, parmi lesquels :

  • le biais de congruence, qui tend à s’attacher à la validation de l’hypothèse de départ plutôt qu’à la réfuter ou à tester des réflexions alternatives ;
  • le biais d’observation, qui manipule ou interprète les données dans le sens de la confirmation de l’hypothèse ;
  • l’illusion de validité (ou l’effet de vérité illusoire) qui surévalue les résultats obtenus du fait qu’ils apparaissent comme cohérents ;
  • la loi de l'instrument (ou le marteau de Maslow), qui accorde une confiance excessive aux outils et méthodes familières, faisant fi d’approches nouvelles et plus adaptées.
  • le biais pro-innovation qui donne une importance exagérée à ce qui présente caractère novateur ;
  • etc.

Prendre en compte l’existence de tous ces biais cognitifs nous permet de mettre en place des solutions pour nous rapprocher de la vérité des faits. C’est pourquoi nous nous appuyons sur un panel de méthodes scientifiques encadrant nos recherches UX, et travaillons toujours en équipe afin de disposer d’une distance essentielle à la réflexion.

Les biais cognitifs en UX research ne sont ni bons ni mauvais. Ils font simplement partie de ces données inhérentes à l’expérience. Pour une analyse se voulant relativement objective, il est indispensable de les connaître et surtout, de les reconnaître, afin que les conclusions de la recherche soient les plus pertinentes possibles. La réalité de chacun étant soumise à des processus subjectifs, il faut étudier les comportements humains en effectuant un savant mélange entre le contournement et la facilitation des biais de pensée.


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Mathieu Lombard

Mathieu Lombard

Mathieu est Head of UX chez Ferpection. Il est en charge de la recherche utilisateur et de l'expertise UX, et accompagne nos clients grâce à ses analyses et recommandations. Convaincu par la co-création, Mathieu s’est formé au fil des années à différentes techniques de facilitation et de méthode UX tels que les biais cognitifs.

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