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May 23, 2016

UX London - Expérience utilisateur. Messieurs les anglais, tirez les premiers

Nous étions à l’édition 2016 de UX London pour découvrir les dernières tendances européennes en matière d’expérience utilisateur et de Product Design. Du poisson de fer aux prototypes à la banane, des enseignements riches et pas seulement culinaires.

Voici un résumé des idées phares :
  1. La data seule ne suffit pas. Il nous faut une histoire pour lui donner du sens.
  2. Nous devons prendre conscience que notre cerveau est incapable de prendre des décisions rationnelles.
  3. Mesurer l'impact business de l'Expérience Utilisateur, c'est possible avec des indicateurs adaptés.
  4. L'exécution de nos stratégies passent par des tests rapides et imparfaits.
  5. Le manager de demain cherche à faire grandir ses équipes, quite à les voir partir.
  6. L'Expérience Utilisateur n'est plus, vive la Confiance Utilisateur ?

Affordance ou la légende du poisson de fer

2 cambodgiens sur 3 ont une déficience en fer. Une mission scientifique et humanitaire s’est attachée à résoudre ce problème. La solution est simple sur le papier. Il suffit d'ingérer plus de fer dans l’alimentation. Le fer est naturellement contenu dans la viande mais celle-ci est trop chère pour la majorité des cambodgiens. La mission a donc envoyé ses volontaires distribuer des morceaux de fer - peu chers - à ajouter comme condiment dans les soupes cuisinées par chaque famille (le fer en question se dissout lentement sur 5 ans d'ajout aux aliments). Bizarrement, peu de familles les ont bien accueilli et encore moins accepté de tremper des morceaux de fer dans leur nourriture.
Pourtant, quoi de plus rationnel que d’ajouter du fer friable aux soupes pour ré-équilibrer son apport en minéraux ? Après ce premier échec, la mission s’est donc réunie et a décidé de procéder à un deuxième essai. Connaissant l’attrait du poisson au Cambodge, il fut décidé de donner aux morceaux de fer une forme de poisson, un rôle de porte-bonheur et de retourner voir de nouvelles familles. La même composition, le même poids, le même mode d’ajout à la nourriture. Une seule différence : une forme de poisson. Cette fois, les familles acceptèrent d’ajouter les poissons aux soupes et les carences en fer commencèrent à diminuer.

Lucky Iron Fish, des compléments alimentaires en forme de poisson

Nos décisions ne sont pas rationnelles !

Dans un monde de big data, il est tentant d’imaginer que nous prenons des décisions rationnelles basées sur des données factuelles pourtant nous sommes victomes de nombreux biais cognitifs. A travers l’exemple des carences en fer au Cambodge, Erika Hall - l'une des intervenantes à UX London - montre qu’il n’en est rien et en tire plusieurs enseignements :
  • Les problèmes humains requièrent souvent des solutions apparemment illogiques.
  • Les données seules ne nous apprennent rien.
  • Les données deviennent utiles à partir du moment où nous pouvons leur donner une interprétation, où elles servent une histoire.
Et c’est bien là que le bât blesse. N’avez-vous jamais pris un chiffre pour le mettre au service de votre discours sans considération pour une autre interprétation ? N’avez-vous jamais rejeté un indicateur au titre qu’il contredisait l’une de vos décisions ? Ne vous inquiétez pas. Votre cerveau est bâti ainsi. Il tend à utiliser les nouvelles informations pour renforcer ce qu’il sait déjà et rejeter ce qui ne colle pas avec son système de croyances. Ainsi, les données nous séduisent : elles sont facilement disponibles, elles se plient à nos interprétations et sont interchangeables. Le hic ? Notre accès à la donnée a évolué, pas notre cerveau et sa capacité à traiter ces informations.

Alors comment faire lorsque notre cerveau nous trompe ? Nous devons poser de meilleures questions business et celles-ci vont nous amener à choisir de meilleurs indicateurs de succès. "Ask better questions, choose better metrics."

Présentation : les sondages sont l'outil de recherche le plus dangereux

L’expérience utilisateur comme moteur du business

L’expérience utilisateur peut-elle exister séparément du business ? Faisant échos aux props d’Erika Hall, Cennydd Bowles nous propose quelques pistes pour réconcilier des indicateurs business traditionnels et une vue plus orientée utilisateur ou user-driven objectives. Il donne ainsi plusieurs pistes pratiques pour définir ces objectifs :
  1. Limiter le nombre d’objectifs pour éviter de vous mentir à vous mêmes.
  2. Construisez des « paires contradictoires », en regardant ensemble deux objectifs qui vont avoir tendance à s’équilibrer. Par exemple, la part de marché et la satisfaction client. Il est peut être facile d’améliorer la part de marché au risque d’endommager la satisfaction client lorsqu’il y a trop de nouveaux clients. Regarder les deux ensemble permet de préserver une croissance saine.
  3. Data isn’t just quantitative ou « la data, c’est pas que du quanti ». Oui le qualitatif représente une donnée. Ce ne sont pas des chiffres, ces données ne sont pas faciles à structurer et pourtant il s’agit d’une donnée essentielle car elle donne du sens aux données quantitatives. Un sujet qui nous est cher chez Ferpection.

Exemple d'indicateurs se compensant ou "mutually-destructive pairs"

Mieux vaut tester tôt et dans des conditions imparfaites

Comment exécuter ces stratégies au service du business ? Pour Melissa Perri comme Clara Gaggero, nous devons connaître nos utilisateurs à tel point que pouvons anticiper leurs besoins. Il faut s’autoriser à tester de manière simple pour mieux les comprendre, le plus en amont possible. Melissa s'est spécialisée dans le lien entre digital et monde physique. Elle cherche donc logiquement à appréhender l’expérience digitale dans son contexte physique. Mais comment lancer un smartphone destiné à des seniors alors que ce nouveau modèle n’est qu’à l’état de concept ?
Pas de problème, il suffit d’utiliser une projection, comme une banane sur laquelle les seniors interrogés vont coller les différentes « fonctions » attendues.

Prototype en forme de banane / banana prototype

C’est ainsi que l’équipe de chercheurs a pu comprendre que certains utilisateurs souhaitaient une fonction GPS qu’ils avaient déjà sur leur téléphone actuel mais qu’ils n’avaient jamais trouvé. L’équipe a alors compris que les seniors ont un enjeu avant tout de prise en main, de découverte, d’exploration de leur smartphone. Ce problème est illustré dans la vidéo suivante où l’on voit une senior lutter avec son mode d’emploi, comparé à un utilisateur plus jeune qui n’ira même pas l’ouvrir.


L’équipe de Melissa a finalement repensé complètement le concept de mode d’emploi avec un objet interactif permettant de faire les opérations pas-à-pas au sein du mode d’emploi lui-même. Voici un court extrait vidéo :


Alors êtes-vous prêts à tester vos prochains prototypes avec des bananes ou préférez-vous participer à un focus group ?

Mais il faut mettre ses tripes sur la table pour en arriver là (ou c’est qui le patron)

Ces approches - où l’utilisateur devient source de business - ne peuvent exister que si elles sont partagées et même encouragées au plus haut niveau de l’entreprise. Il faut du courage au management pour s’incliner devant l’avis des utilisateurs. En réalité, il ne suffit pas de décréter l’ambition de mettre le client au centre des décisions. Pour Melissa Perri, il s’agit d’abord de faire grandir les individus dans l’équipe pour les libérer et leur permettre de s’ouvrir aux utilisateurs.
Un propos qu’elle illustre avec l’exemple du Chef Grant Achatz. Après quelques mois au service de Thomas Keller et son restaurant The French Laundry, Grant se propose de travailler quelques mois chez El Bulli, autre restaurant 3 étoiles en Espagne. Thomas, manager toujours disponible pour ses équipes, y voit une opportunité et lui donne sa bénédiction. Lorsque Grant revient, il ramène des recettes en décalage avec la cuisine habituelle de The French Laundry (El Bulli est connu pour son usage intensif de la cuisine moléculaire). Là encore, Thomas le laisse faire. Enfin, lorsque Grant lui annonce qu’il souhaite créer son propre restaurant, Thomas va l’encourager et devenir l’un de ses plus fervents supporters. En une phrase, Thomas fait tout pour que Grant puisse grandir ! Combien de managers en sont capables dans votre entreprise ?

Le restaurant 3 étoiles El bulli prend 5 mois par an pour expérimenter et dispose d'une test kitchen

Vers la fin de l’expérience utilisateur

Dans l’atelier « UX for Growth », Molly Norris explique comment l’attente de personnalisation augmente avec la taille des plateformes. Une petite start-up peut se contenter de vous appeler par votre prénom mais Amazon ou Airbnb doivent vous apporter une expérience unique et différente de celle de millions d’autres utilisateurs.

Personalisation scale / échelle de personnalisation

Cennydd Bowles se demande vers quoi débouche cette tendance. Dans 20 ans, pour pouvoir aller encore plus loin dans la personnalisation, il note que les successeurs d’Uber, Amazon et autres Google Maps devront accéder à des informations de plus en plus intimes sur leurs utilisateurs, ce qui ne peut se faire qu’avec le consentement de ces derniers. L’enjeu des années à venir sera donc de mériter la confiance nécessaire à l’accès à de telles informations. L’Expérience Utilisateur est morte, vive la Confiance Utilisateur. Vous reprendrez bien un petit poisson de fer ?


Avec par ordre d’apparition :
Erika Hall, Co founder of Mule Design @mulegirl
Cennydd Bowles, Digital Product Designer @cennydd
Melissa PERRI CEO of ProdUX Labs @lissijean
Clara GAGGERO, Co-founder and Creative Director, Special Projects @ClaraGaggero
Molly NORRIS Product Designer at Pivotal Labs @ixdmolly

PS : et oui, au cas où vous vous posez la question, Ferpection et ses utilisateurs sont prêts à tester des prototypes en forme de banane. Et vous ?
Si vous avez aimé cet article, vous voudrez certainement en savoir plus sur l'UX research en général et sur la connaissance client

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Thibault Geenen

Thibault Geenen

Thibault est fasciné par le pouvoir de l'UX, en particulier l'UX research et avec les besoins et comportements des utilisateurs. En tant qu'entrepreneur, il continue d'étudier la philosophie d'entreprise libérée qu'il s'efforce de mettre en pratique pour Ferpection et pour ses clients à travers le concept d'UX for Good. Amateur de Science Fiction, il reste le seul être humain à croire que le livre 'Seul sur Mars' est un recueil de conseils pour entrepreneurs.

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